La Mini-Aventure #1 : Bikepacking de Gap à Buisson
19 novembre 2020

Passage au col de Faye
Mini-trip J1 : Gap - Sault
Je traîne un peu à partir, mais le vélo est déjà prêt depuis la veille. Un peu après 14h, je donne les premiers coups de pédales après avoir laissé la voiture à Gap. J'ai vaguement regardé l'itinéraire, j'y vais au feeling, kilomètres après kilomètres, avec quand même une petite pensée d'un passage vers le Ventoux. Allez hop, première petite bosse pour quitter Gap et redescente vers Tallard. De là, quelques kilomètres à longer la vallée de la Durance avec tous ses vergers. Une belle petite route qui alterne faux plats montants et descendants.
Km36, déjà deux heures sur la selle, etpremière "vraie" difficulté, le col de Faye. Huit kilomètres d'ascension pour environ 300m de D+. Une mise en bouche après un bon échauffement. La route est agréable, je quitte doucement la plaine et ses vergers pour avancer vers des sommets un peu plus élevé sau milieu d'une forêt de chênes. Après une première partie de col avec les plus forts pourcentages, la deuxième partie s'avère beaucoup plus plate. Le poids du vélo est raisonnable, même si j'ai tout le package pour passer une nuit dehors. J'ai décidé de ne pas emmener trop de nourriture et de m'arrêter dans des petits commerces au bord de la route. Du coup, les kilomètres défilent quand même assez vite.

Orpierre, le temple de l'escalade, escale au milieu de mon trip
La bascule du col se fait après un peu moins de 45 minutes d'ascension. La descente, au début un peu prononcée, s'adoucit assez rapidement et laisse place à de longs faux plats descendants pour rejoindre le sud du Buech à quelques kilomètres de Serre. C'est assez grisant de voir défiler les kilomètres et de ressentir de bonnes sensations dans les jambes. Un petit coup d'oeil sur le GPS et direction encore plus au sud.
Je décide de passer par Orpierre, temple de l'escalade. Mon itinéraire prend forme doucement au fil du bitume. Une chose qui me plaît bien, me rajouter des étapes au fur et à mesure. Un coup d'oeil aussi pour confirmer les conditions météo, le mauvais temps est bien pour demain mais, cette fin de journée et début de nuit s'annoncent sans pluie. Je sais déjà que je vais faire le maximum de kilomètres avant de me poser afin d'en avoir le moins possible à faire le lendemain. 18h, arrivée à Orpiere. Il est l'heure de se trouver quelque chose à grignoter. J'avais quand même pris le soin de vérifier les commerces ouverts. Des fois, ça peut être la mauvaise surprise et sachant ce qu'il me reste à parcourir, vaut mieux que je recharge les batteries. La petite supérette-boulangerie me satisfait pleinement. J'aurais même tendance à en prendre plus qu'il n'en faut mais, je sais aussi qu'après, je ne trouverai plus rien sur ma route jusqu'à la nuit. J'avale une part de pizza, prends une tartelette et quelques paquets de gâteaux pour plus tard, rempli mes gourdes dans une fontaine du village et c'est reparti. 70km au compteur, je décide alors d'aller jusqu'à Sault, 55km plus loin, mais un peu plus de 1000m de D+ encore au programme. La motivation est là et cet objectif du soir me ravi.

Une part de pizza, le plein d'eau et la motivation revient
Je sors donc d'Orpierre, 10km de faux plat montants au milieu desquels j'entre dans le département de la Drôme. Ça monte pas beaucoup mais, ce n'est pas forcément les passages les plus faciles, ces routes pas tout à fait plates. J'ai toujours tendance à vouloir appuyer fort sur les pédales, me disant que je pourrais avancer plus vite alors que c'est là que le poids du chargement se fait sentir, même si celui-ci n’est pas très lourd. En effet, la loi de la gravité fait que le poids me fait ralentir plus que la normale quand la pente prend un pourcentage positif, aussi faible qu'il soit. J'apprends donc à prendre mon mal en patience et je profite du calme qui m'entoure. J'avais, comme dit, pas trop l'idée de mon itinéraire au départ mais, une chose était sûre, je voulais prendre les routes les moins fréquentées possible par les voitures. Et pour le moment c'est pas trop mal réussi.
Km80, je suis dans les derniers kilomètres du col Saint Jean. Un col pas très long mais, qui présente une belle pente bien régulière. Le jour décline doucement. Je sais qu'une fois en haut du col, il faudra passer en mode nuit. Chose qui arrive peu avant 19h30, 1h après avoir quitté Orpierre. Cette petite part de pizza m'a fait un bien fou !
Je sors les lumières, jambières, manchettes et coupe vent. Avec la nuit, la fraîcheur arrive aussi. J'ai alors l'impression de commencer quelque chose de nouveau, 5h après avoir quitté Gap. C'est aussi fou comme en si peu de temps, j'ai la sensation de vivre quelque chose d'extraordinaire, de me retrouver et me ressourcer seul dans la nature. Il me reste encore 40km à parcourir pour ce soir,l'objectif de Sault est bien en tête. La descente du col Saint Jean est plaisante, sinueuse au début et plus roulante sur la fin. Encore une belle découverte !
Me voilà ensuite dans la vallée de la Méouge, que je continue de remonter. Il commence à faire nuit noire et la question que je me posais sur ma visibilité nocturne trouve sa réponse : une bonne frontale, un bon éclairage arrière et mon gilet jaune, c'est bon, les voitures me distinguent parfaitement dans la nuit, je peux continuer sereinement. La vallée remonte doucement jusqu'à Séderon, à 800m d'altitude. Je m'arrête faire un petit point cartographie. Je sais qu'il me reste un peu plus de 400m de D+ avant de basculer pour une longue descente vers Sault. J'ai franchi la barre des 100km, encore 25, les jambes sont toujours là. Assez étonné d'ailleurs... En repartant de cette petite pause, une voiture s'arrête et me demande si j'ai besoin d'aide. Je leur indique que tout vabien et que je continue vers Sault. Un petit mot de bienveillance de leur part, je les remercie et je reprends la route.

Bivouac en mode tarp, léger mais efficace avec tout le confort nécessaire !
La nuit est bien installée, me voilà seul avec mon faisceau lumineux et le calme d'une nature sauvage. J'ai même la chance d'entendre le brame du cerf au loin mais aussi d'apercevoir un chevreuil dans le fossé à 5 mètres de moi qui me regarde passer tranquillement en se demandant sûrement ce qu'un gars sur un vélo fait ici à cette heure-là. L'ascension se poursuit sur un bon rythme, après 7km soutenus, les 3 derniers sont beaucoup plus roulants. Je commence à sentir un petit moment de solitude, me sentant loin de tout, d'autant plusque ça fait bien longtemps que je n’ai pas croisé une voiture. C'est marrant comme l'obscurité nous fait réfléchir, pas toujours de manière positive.
C'est alors que le col arrive, le col de l'homme mort. Je me demande pourquoi ce nom. Une question qui ne met pas en confiance avec un tel nom, seul au milieu de la nuit. Je me reconcentre sur la suite, j'enfile une couche de plus, et c'est parti pour les 15 derniers kilomètres du jour au profil descendant. Un pur régal de trouver les bonnes trajectoires de nuit sur une route large, qui plus est, sans circulation. J'avale ces 15km qui me séparent de Sault à toute vitesse, je commence à avoir envie de me poser. 21h30 entrée à Sault. J'ai repéré sur la carte un parking à l'entrée du village. En m'y avançant, je vois aussi qu'à quelques mètres se trouve un camping. Je décide d'y aller. C'est jamais vu d'un bon oeil de bivouaquer n'importe où à côté d'un camping. Et puis comme ça, je me paye aussi le luxe d'une petite douche inespérée. 22h30, bivouac posé, le bonhomme brille, il est l'heure de se reposer.
125km aujourd'hui, j'en espérais pas tant en partant aussi tard dans la journée.
Mini-trip J2 : Sault-Buisson
Je me réveille avec le réveil, 7h du matin. Après un premier tiers de nuit où même un troupeau d'éléphants n'aurait rien pu faire contre mon sommeil, les ⅔ restant étaient moins reposant. J'avais en tête la tempête Alex qui était annoncée pourtant plus tard dans la journée mais, j'ai pas pu m’empêcher d'y penser lorsque ce foutu vent s'est levé. Peu importe, la pluie n'est pas encore là, c'est le plus important. Rangement du chargement, en même temps petit déjeuner rapide avec les biscuits achetés la veille à Orpierre (j'avais bien fait d'anticiper) et peu après 8h, je reprends la route. Bon, il m'a finalement pas fallu longtemps pour trouver la pluie. Même pas fini de traverser Sault, que voilà une belle averse. Je ne le sais pas encore mais, c'est qu'une mise en bouche. Premier stop de la matinée, je m'équipe de la tête au pied pour affronter la pluie. Quelques minutes plus tard, c'est reparti et la pluie s'arrête… M'en fou, je me découvre pas, je sais que ça va revenir. Sortie de Sault, mon itinéraire est décidé. La veille, je m'étais dis que si la météo n’était pas trop mal, je pouvais faire un passage par le Ventoux. Mais l'idée est vite abandonnée, le sommet est dans les nuages et le vent souffle déjà pas mal en vallée, alors j'imagine là-haut !
Direction donc les gorges de la Nesque. La route me semble jolie sur la carte. J'attaque donc à contourner le mont Ventoux par le Sud. Après quelques kilomètres roulant, j'attaque la montée vers l'entrée des gorges. A peine 100m de D+, comme j'ai décidé de pas enlever tout mon attirail de pluie, ça chauffe vite. Pas grave, les jambes ont bien récupéré et quelques instants plus tard, avec déjà 15km au compteur, me voilà à l'entrée des gorges. La vue est splendide, j'en profite pour faire quelques photos !

L'homme et la machine en mode pluie à l'entrée des gorges de la Nesque
Et c'est bien le dernier instant où je vais pouvoir le faire. C'est reparti pour la descente des gorges de la Nesque. Un long faux plat descendant sur un peu plus de 15km. Et voilà la pluie qui s'invite pour de bon. Les premières gouttes sont légères mais, très vite ça se gâte avec les premières rafales de vent un peu violentes. Je perds pas le moral car ma route est agréable. Et avec une telle météo,personne au niveau de la circulation automobile. J'ai la route pour moi seul !
Un peu après les gorges, je retrouve la civilisation avec le petit village de Villes sur Auzon. Je trouve un petit abri à côté de la fontaine du village et j'en profite pour grignoter un petit truc. C'est le moment de faire un petit point sur la carte pour la suite de l'itinéraire. J'essaie de faire le calcul pourtirer au plus court, avec la météo du moment et ce qui est encore annoncé après, je ne vais pas me traîner. Et à défaut de faire l'ascension du Mont Ventoux, je vais presque en faire le tour ! Quasi aussi dur avec les précipitations du jour ! Direction donc Bédoin après avoir enfilé un petit paquet de gâteaux, pas encore l’heure d’un vrai repas. Après une brève accalmie, c’est reparti pour la pluie. Mais, un faux plat montant de quelques kilomètres à la sortie de Villes sur Auzon me garde au chaud. Quelques rafales de vent aussi pour me tenir bien éveillé, pas question de relâcher le guidon.
Km 42 J2, me voilà à Bédoin. Je m’arrête pour retirer un peu d’argent, en vue de trouver quelque chose à me mettre sous la dent un peu plus loin. Je crois que cette pause était providentielle, grosse averse à peine posé le pied à terre. Heureusement, je suis abrité sous un petit porche. Quelques minutes seulement et les rues de Bédoin se transforment en petites rivières. Je patiente donc et reprends mon chemin après le gros grain, même s’il pleut encore, de toute façon, plus qu’une seule idée en tête, boucler les 30 derniers km au plus vite. C’est avec ce nouvel objectif que je repars vers Malaucène. La pluie faiblit un peu mais quelques belle rafales de vent viennent pimenter ma balade.La route entre Bédoin et Malaucène est très agréable. A profil plutôt montant jusqu’au passage du col de la Madeleine à 458m d’altitude, ça s’inverse ensuite jusqu’à Malaucène et le plaisir est bien là à enchaîner les virages de cette route sinueuse. J’en oublierai presque la météo !
Me voilà maintenant à Malaucène, 3ème point d’entrée pour la montée au Mont-Ventoux. Quelques courageux cyclistes sont de passages en “petite” tenue. Moi avec mes 3 couches de vêtements imperméables, je ressemble à Robocop à côté d'eux. A ce moment là, je ne les envie pas ! Une boulangerie, le saint-graal du bike packer ! Une part de pizza comme la veille et une petitegourmandise sucrée, de quoi repartir pleine vitesse pour les 18 derniers kilomètres jusqu’à Buisson.
Les 9km après Malaucène sont roulants, faux plat descendant jusqu’à Vaison la Romaine. Position contre la montre, les jambes sont là et les mètres défilent. C’est assez plaisant d’avoir encore de bonnes sensations comme ça malgré le périple de la veille et la météo du jour. Toujours un peu devent, par rafale, qui me freine un peu dans ma progression mais, la moyenne ne diminue pas. Vaison la Romaine, 63km depuis Sault. Je traverse cette ville riche d’histoires. M’y étant déjà arrêté en juin, je ne m’y attarde pas cette fois-ci. D’autant qu’une nouvelle belle averse pointe le bout de son nez. Mes vêtements de pluie commencent à s’humidifier. Un peu normal après plus de 2h à rouler sous une pluie battante.

Les Gorges de la Nesque, un espace naturel sauvage à couper le souffle
Pour sortir de Vaison, une petite route et même quelques portions gravel qui me font apprécier mon vélo, confortable comme il se doit dans ce style de chemin. Pas beaucoup de dénivelé aujourd’hui, mais un bel enchaînement de petites montées et petites descentes. J’en suis à la dernière montée du jour et 3km avant l’arrivée, je bascule pour une courte descente. L’arrivée à Buisson se fait par une route relativement plate. 73km pour finir cette 2ème étape. 12h30 à la montre, je dois encore un peu patienter avant de récupérer les clés de notre logement pour ce week-end entre amis. La douche chaude se fera fortement apprécier !
2 jours, 1 nuit en bivouac, des paysages riches et variés, une multitude de petites routes très peuconnues mais, très agréables en vélo, voilà une belle mini-aventure au départ de la maison.Une seule envie, reprogrammer très prochainement ce genre de sortie !
Guillaume Boinet | Ambassadeur et Brevet d'Etat Bergamont
